Le sourire de l'enfant de Cuzco...
Les enfants trouvent tout dans rien,
les hommes ne trouvent rien dans tout.
Giacomo Lepopardi
Il était une fois… Quelques jours après la fête de l’Inti Raymi, fête du Soleil, la place des Armes à Cuzco, était déserte. Je la traversai et je me dirigeai vers les arcades, à gauche de la Cathédrale. J’entrai dans le café Allyu, je commandai un chocolat et un sablé «lunettes» à la confiture. Un goûter de convalescente après el soroche ou mal des montagnes et ma réaction au vaccin de la fièvre jaune qui m’avaient affaiblie.
Ce café Allyu est au centre de Cuzco, Qosqo en quechua, ce qui veut dire «nombril du monde». Du centre de la Terre, du plus profond de moi, je donnais des nouvelles à ma famille d’âme, de cœur et de sang, à mon «Allyu». Dans ce lieu insolite, je savourais mon chocolat viennois comme la valse, de Johann Strauss, diffusée en sourdine. J’étais venue là pour écrire mes cartes postales avant de partir pour le Brésil. J’ouvris mon carnet et je commençai à recopier les adresses sur les enveloppes. Je levai la tête.
De l’autre côté de la vitre, un enfant, de 7 à 8 ans, m’observait, attentif au moindre de mes gestes. Un enfant des rues, un enfant en haillons. Mon cœur étreint par l’émotion résonnait dans ma poitrine. Mes jambes se levèrent d’un bond. Au comptoir, j’achetai le même sablé pour l’offrir à l’enfant. Il le prit dans ses mains comme un trésor et s’éloigna aussitôt. Il était si farouche que je n’avais pas osé lui demander son prénom. Je repris ma place et mon écriture en ne pensant qu’à lui. Je collais des jolis timbres sur les enveloppes.
Il était de nouveau près de moi, de l’autre côté de la vitre. Cette fois, il me regarda droit dans les yeux et son visage s’éclaira d’un immense sourire généreux. Je rangeai précipitamment mes affaires pour le rejoindre. Un serveur me devança pour le chasser.
Sur le pas de la porte, mon regard balaya à la ronde, plusieurs fois les alentours. L’enfant avait disparu. Je marchais lentement, je me retournais de nombreuses fois, je traversais la place dans tous les sens et je restais à l'attendre assise sur un banc de la place.
Je suis revenue le lendemain et le jour d’après…
Je ne l’ai plus jamais revu. Longtemps, je m’en suis voulu d’avoir si peu offert et tant reçu...
Mon amie péruvienne, Jovita, a versé un baume sur mon cœur en me disant que l’enfant avait reçu plus qu’un gâteau, l’amour et le respect dans l’échange, qu’il avait su les reconnaître. Cet instant de communion est resté si profondément gravé en moi qu’il m’accompagnera jusqu’à mon dernier souffle. Je sais que cet enfant sortira de la misère et de la rue, aidé par d’autres mais surtout par lui-même, car dans son sourire et dans ses yeux j’y ai lu l’ESPOIR.
©Thanna
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