Carte postale n° 28...
Tu es monté dans un autobus long courrier. Et, depuis le matin, le vieux bus réformé pour la ville a cahoté douze heures d’affilée sur les routes de montagne, mal entretenues, pleines de bosses et de trous, avant d’arriver dans ce petit bourg du Sud.
Sac sur le dos, une sacoche à la main, tu balaies du regard le parking jonché de papiers de bâtonnets glacés et de déchets de canne à sucre.
Des hommes chargés de sacs de toutes tailles, des femmes, bébé dans les bras, descendent du bus ou traversent le parking tandis qu’une bande de jeunes, sans sacs ni paniers, sortent d’un sachet des graines de tournesol qu’ils s’envoient une à une dans la bouche et dont ils recrachent immédiatement la peau. Ils mangent avec élégance en émettant une sorte de sifflement, avec une distinction, un air dégagé typiques du style local. Ici, c’est leur pays natal, ils n’ont aucune raison de ne pas vivre en toute liberté, leurs racines se sont enfoncées dans ce sol de génération en génération…
La Montagne de l’Âme
Gao Xingjian