Le romancier, l'inconnu, le voyageur…
"L’âge aidant, le romancier finit par comprendre que l’inconnu, qui est lui-même, écrit tout simplement l’histoire de son âme. Il a pour cela son langage, ses ruses, ses silences. Les fables qu’il imagine font partie d’un vaste ensemble d’allusions fugitives et d’énigmes indéchiffrables. Tout en livrant son secret, il le déguise. Il veut raconter, c’est sa vocation et la raison de sa mystérieuse présence, mais il ne veut pas être compris trop vite de celui dont il guide la main, car alors le romancier se réveillerait. L’homme qui croit écrire des romans marque sans le savoir les jalons de sa destinée. Avec ses effrois, ses faims et son indomptable espoir qui a raison de toute logique, le voyageur s’est mis en route sous l’œil de l’ennemi. Mais la forêt de ce monde n’est pas si épaisse qu’il ne puisse rêver d’en sortir, pourvu qu’il marche toujours droit devant lui, dans l’ombre, la pénombre ou le demi-jour."
Julien Green
Le Visionnaire
préface de la réédition1975
Une pensée particulière pour Ségolène...