Carte postale n° 30...
Souvent, à l’heure où l’herbe de la savane se strie d’argent, où les silhouettes des collines s’auréolent d’or pâle, j’emmène mes chiens au Mukutan pour regarder le soleil disparaître derrière le lac et les ombres du soir s’étendre sur les vallées et les plaines du plateau de Laikipia.
Là, à l’extrême bord de la vallée du Rift, pousse un acacia courbé par des vents immémoriaux, montant la garde au-dessus de la gorge. Cet arbre est mon ami, mon frère. Je m’adosse à ce tronc rugueux comme la trompe d’un vieil éléphant sage. Levant la tête, je contemple le ciel d’Afrique à travers les branches, ces bras tordus dans une danse muette. L’obscurité s’épaissit vite, le rouge vire au violet, un quartier de lune blanc flotte à l’horizon. Un dernier aigle regagne majestueusement son nid au sommet des falaises. La même brise originelle s’élève du fond de la gorge, dans un bruissement de feuilles et de serpents, un chevrotement de rainettes cachées et l’appel des premiers oiseaux nocturnes, le cri des babouins, la toux rauque du léopard…
Je rêvais de l’Afrique
Kuki Gallmann