La porte bleue…Île de Gorée…
Entre autres, Thanna porte en elle le sang de l’Afrique, ce sang même qui a donné la couleur à la terre, ce sang de la couleur de la souffrance endurée durant de si terribles années, de la couleur de l’arrachement à la terre aimée, aux êtres aimés et aux quelques souvenirs heureux ou lumineux.
Nous sommes au temps des négriers, sur l’île de Gorée, dans cette maison de l’enfer, de couleur rose. Une inscription au-dessus d’une porte, femmes, puis au-dessus d’une autre porte, hommes, et encore une autre, enfants. Plus loin, là-bas au fond, une porte bleue ressort merveilleusement sur le rose des murs. Cette porte n’est qu’un trou qui donne sur la mer. La porte de l’Enfer, la porte du Paradis ? Pour ceux qui ne feront pas le même voyage.
Thanna s’était-elle retrouvée, entassée dans cette pièce au sol de terre battue, aux murs griffés, séparée de l’homme qu’elle aimait et les enfants de sa chair agrippés à son corps lui avaient-ils été arrachés ? Avait-elle pris la porte bleue, son homme et ses enfants avec elle pour tous renaître sous d’autres cieux, dans un autre temps, peut-être ?
Ou avaient-ils posés leurs pieds nus sur cette autre terre du Nouveau Monde après un terrifiant voyage ?
Thanna sait qu’elle porte aussi en elle le sang des Amériques, le sang-mêlé des victorieux et des vaincus, des bourreaux et des victimes, des indigènes et des étrangers, le sang de la dualité.